GROUPE CYNOTECHNIQUE — Des chiens toujours plus performants !

Maxime Gri­maud —  — Modi­fiée le 24 juin 2022 à 10 h 54 

Les rencontres d’ALLO DIX-HUIT — Le sergent-chef Grigori Charron, chef de groupe cynotechnique, nous présente les nouvelles compétences de son chenil : la recherche de produits accélérateurs d’incendie et le pistage. Rencontre passionnante avec des chiens stables au flair !

Quelles sont les nou­veau­tés de la spé­cia­li­té CYNO en 2022 ?
Les chiens dis­posent de deux agré­ments sup­plé­men­taires : le pis­tage et la recherche de pro­duits accé­lé­ra­teurs d’incendie (RPAI). À l’origine, nos petits com­pa­gnons étaient for­més à la recherche de per­sonnes ense­ve­lies sous des décombres, éga­rées grâce à la tech­nique de ques­tage (le chien recherche la vic­time dans un sec­teur vaste, mais pré­dé­fi­ni et ne dis­pose pas d’odeur de réfé­rence) ou encore à la recherche de vic­time immer­gée. Désor­mais, en ajou­tant le pis­tage et la RPAI, les CYNO diver­si­fient leur panel de com­pé­tences opérationnelles.

Pou­vez-vous nous en dire plus sur la RPAI ?
Lors d’un feu d’ampleur, lié à un feu d’entrepôt ou à un embra­se­ment géné­ra­li­sé, les équipes de la per­ma­nence incen­dies et explo­sions du labo­ra­toire cen­tral de la pré­fec­ture de police de Paris se rendent sur place. Ils cherchent à déter­mi­ner ce qui aurait pu conduire au déclen­che­ment d’un incen­die acci­den­tel ou cri­mi­nel. Ima­gi­nez ce type d’enquête dans un entre­pôt de plu­sieurs mil­liers de m2. Les poli­ciers doivent fouiller aléa­toi­re­ment l’ensemble du bâti­ment, un tra­vail laborieux.

Avec nos chiens, capables de détec­ter rapi­de­ment des PAI, le gain de temps est énorme. Il suf­fit de pré­le­ver les échan­tillons sur la zone où le chien « marque » par grat­tage. Par la suite, ces traces sont envoyées au labo­ra­toire afin de pré­le­ver le résul­tat des ana­lyses et de confir­mer la pré­sence d’hydrocarbures. Nos chiens peuvent iden­ti­fier six PAI : l’essence, le gasoil, le white-spi­rit, l’alcool à brû­ler, le dis­sol­vant et le pétrole.

Com­bien de temps dure leur for­ma­tion ?
La for­ma­tion RPAI concerne uni­que­ment des chiens déjà opé­ra­tion­nels dans les domaines de recherche de per­sonnes. Com­prise entre trois et six mois, la base de l’apprentissage est simi­laire à celle-ci, car tout se fait par le jeu. Ce jeu est par la suite trans­po­sé dans un envi­ron­ne­ment opé­ra­tion­nel. Contrai­re­ment aux recherches de per­sonnes, les chiens inter­viennent en dehors d’une situa­tion d’urgence : il n’y a per­sonne à sau­ver et la recherche se déroule après la phase d’extinction. Néan­moins, la dif­fi­cul­té réside dans la quan­ti­té de « matière » que le chien doit trouver.

En effet, le chien ne doit plus retrou­ver des êtres humains, mais de toutes petites quan­ti­tés de pro­duits. On passe de la recherche d’un indi­vi­du de 80 kg à celle de quelques gouttes seule­ment ! L’animal doit alors être récep­tif à la moindre odeur. Cette adap­ta­tion tra­duit un chan­ge­ment de com­por­te­ment chez les chiens. À l’entraînement comme sur inter­ven­tion, nous avons consta­té qu’ils sont deve­nus plus pré­cis et plus minu­tieux dans leur recherche.

Que pou­vez-vous dire au sujet du pis­tage ?
Le pis­tage, c’est, comme vous pou­vez l’imaginer, un chien qui suit une piste à l’aide d’un objet ayant appar­te­nu à la per­sonne recher­chée. Comme on peut le voir dans de mul­tiples films et bandes des­si­nées. Pour employer des termes plus tech­niques : on effec­tue une remon­tée olfac­tive d’un tra­cé à par­tir d’un objet de réfé­rence et du der­nier endroit où a été vue la victime.

Pour le pis­tage, le tra­vail du chien s’avère aus­si très exi­geant. Comme pour la RPAI, nous uti­li­sons des chiens déjà opé­ra­tion­nels en recherche de per­sonnes. La for­ma­tion piste dure entre six mois et un an, et néces­site beau­coup de tra­vail et d’autocritique pour le chien et son conducteur.

Com­ment forme-t-on un chien au pis­tage ?
Comme pour un dres­sage clas­sique, le pis­tage prend la forme d’un jeu pour sti­mu­ler le chien. On com­mence par dépo­ser de la nour­ri­ture le long d’une piste olfac­tive en ligne droite sur de l’herbe. Au fur et à mesure, on retire la nour­ri­ture pour ne lais­ser que la piste olfac­tive : une per­sonne qui marche tout simplement.

Puis la piste va prendre des angles et des direc­tions dif­fé­rentes pour aug­men­ter la dif­fi­cul­té. Enfin, l’herbe va lais­ser place au béton où les odeurs s’imprègnent beau­coup moins. La lon­gueur de la piste et le délai d’intervention vont aug­men­ter eux aus­si. Un exa­men final vient clô­tu­rer la for­ma­tion. Notre com­pa­gnon doit remon­ter une piste d’une ancien­ne­té de deux heures, longue de deux kilo­mètres sur divers substrats.

Dans quels cas les chiens pis­teurs pour­raient être déployés ?
Dans le cas de vic­times dis­pa­rues et vul­né­rables, le pis­tage sera com­plé­men­taire de la tech­nique de ques­tage. Prin­ci­pa­le­ment pour les per­sonnes n’ayant pas toutes leurs capa­ci­tés phy­siques ou men­tales. Pour illus­trer, je pense à la popu­la­tion vieillis­sante, souf­frant de la mala­die d’Alzheimer.

Pre­nons un exemple et ima­gi­nons que les pom­piers inter­viennent dans un appar­te­ment pour une ten­ta­tive de sui­cide. Une fois sur place, l’individu s’avère introu­vable, mais un équi­pier découvre un mes­sage d’adieu, un aveu de sui­cide. Dans ce cas, le chef d’agrès peut deman­der les équipes cyno­tech­niques en ren­fort. Ceux-ci vont récu­pé­rer un objet ou un vête­ment appar­te­nant à la per­sonne en détresse afin de remon­ter sa piste pour la retrouver.

Des­crip­tions

Ces nou­velles com­pé­tences, notam­ment le RPAI, ne posent-elles pas un risque pour la san­té des chiens ?
Ces chiens sont à la fois nos com­pa­gnons de tra­vail et nos ani­maux de com­pa­gnie, leur bonne san­té est pri­mor­diale ! Dans les zones acci­den­to­gènes, nous leur met­tons tou­jours des bot­tines pour pro­té­ger leurs pattes. Après chaque enga­ge­ment sur incen­die, les chiens sont par ailleurs net­toyés et lavés.
En paral­lèle, lors des phases d’apprentissage RPAI, nous nous assu­rons qu’ils gardent un contact limi­té avec le pro­duit et ne le lèchent pas.

Vos nou­velles com­pé­tences ont-elles déjà été mobi­li­sées ?
Les chiens RPAI et piste sont opé­ra­tion­nels depuis la fin de l’année 2021. Ils inter­viennent res­pec­ti­ve­ment dans leur domaine de com­pé­tences avec suc­cès. Par exemple, en RPAI, sur l’incendie du 7 mars 2022 dans la ville de Stains. 


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