ITW : Général Jean-Marie Gontier : « Sapeur-pompier de Paris est plus qu’un métier, c’est un idéal. »

Les rencontres d’ALLO DIX-HUIT — Le général Jean-Marie Gontier est devenu commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris le 1er décembre dernier. Nous sommes donc allés à sa rencontre pour en savoir plus sur les directions qu’il souhaite donner à son temps de commandement. Il nous livre en exclusivité ses convictions sans ambages.

Nicho­las Bady —  — Modi­fiée le 4 mai 2021 à 04 h 14 

Qu’est-ce qui vous aura le plus mar­qué dans votre fonc­tion de com­man­dant en second de la Bri­gade depuis 2017 ? Quel bilan en faites-vous ?

Il n’y a, à mon sens, pas de bilan à dres­ser. La Bri­gade est en prise directe avec l’actualité. Il n’est pas vrai­ment utile de faire l’inventaire alors que l’activité est inces­sante. L’im­por­tant, c’est de col­ler à la réa­li­té qui est la nôtre. S’assurer que nos moyens sont en adé­qua­tion avec le contexte opé­ra­tion­nel dans lequel on agit et avec les attentes de nos conci­toyens, mais éga­le­ment de nos auto­ri­tés de tutelle. Là est l’essentiel. En revanche, com­man­dant en second est une posi­tion très confor­table. Vous n’êtes pas expo­sé comme pre­mier chef au cœur de l’action, ni à la pres­sion immé­diate qu’elle soit minis­té­rielle, pré­fec­to­rale, poli­tique ou interne. Cela per­met de réflé­chir dans la pro­fon­deur. Sur les sujets de fond, le C2 apporte des élé­ments de com­pré­hen­sion ou de réflexion au chef sous des angles néces­sai­re­ment dif­fé­rents, avec un déta­che­ment qui peut lui être utile. J’ai pu ain­si mesu­rer la valeur et l’importance des com­bats menés par le géné­ral de divi­sion Jean-Claude Gal­let. Ces deux der­nières années ont été menées des batailles cru­ciales pour notre Bri­gade, notam­ment pour main­te­nir le niveau des effec­tifs. Le métier de sapeur-pom­pier s’exerce dans toute la France, aus­si la fonc­tion publique ter­ri­to­riale peut par­fois séduire nos sapeurs-pom­piers en favo­ri­sant la proxi­mi­té fami­liale et l’attachement à sa région d’origine. Pour autant, faire ce choix signi­fie aus­si un renon­ce­ment à cette part d’adrénaline qu’offrent la plaque pari­sienne et la manière de conduire la mis­sion. Les tra­vaux sur la sur-sol­li­ci­ta­tion dans le domaine du SUAP, sur les inter­ven­tions évi­tables ou encore sur les loge­ments, ont appor­té des réponses adé­quates qu’il faut main­te­nant ins­crire dans la durée. Pour moi, ce sont les sujets les plus impor­tants, tout comme convaincre les pou­voirs publics de consen­tir les efforts bud­gé­taires néces­saires pour nous per­mettre à la fois de fidé­li­ser notre per­son­nel et de conser­ver notre niveau opérationnel.

Ces deux der­nières années ont été mar­quées par le décès de quatre sapeurs-pom­piers de Paris. Dans quelle mesure ces pertes dra­ma­tiques pour­raient influen­cer votre commandement ?

Quand on choi­sit le métier des armes, évi­dem­ment, au bout de son enga­ge­ment, de ses convic­tions, il peut y avoir la perte de sa vie pour quelque chose de supé­rieur à soi. C’est quelque chose qui nous habite. Lorsqu’on est confron­té à la dure réa­li­té, lorsque l’on perd un ou plu­sieurs de nos sapeurs-pom­piers, c’est extrê­me­ment dur à vivre. Ce sont des frères d’armes que nous per­dons. Du sapeur qui arrive à Vil­le­neuve-Saint-Georges au géné­ral, nous avons tous ce métier fer­me­ment ancré dans notre âme. On ne nous choi­sit pas « sur éta­gère » et on ne rejoint pas la BSPP dans les der­nières années de notre par­cours pro­fes­sion­nel. Il n’est pas sou­hai­table d’être le géné­ral de la Bri­gade sans avoir déca­lé au four­gon, sans avoir été chef de garde, com­man­dant d’unité et chef de corps. C’est d’ailleurs la même chose pour un chef de centre, s’il n’avait pas été sapeur, capo­ral, capo­ral-chef. Donc lorsque l’un de nous part dra­ma­ti­que­ment, c’est ter­rible pour nous tous. En revanche, la cohé­sion du corps, le sens de la mis­sion et les valeurs mili­taires de la BSPP font que l’on che­mine, que l’on conti­nue à avan­cer mal­gré ces pertes, ces drames… Et on ne peut qu’aller de l’a­vant, parce que le seul hom­mage que l’on puisse rendre à nos morts au feu, c’est de conti­nuer la mission.

Et tech­ni­que­ment ?

Sur un plan plus pra­tique, bien évi­dem­ment, on essaye tou­jours de tirer un ensei­gne­ment de ces dis­pa­ri­tions, de ces causes de dis­pa­ri­tion et d’améliorer soit nos modes opé­ra­toires, soit notre maté­riel, soit notre façon de for­mer. Mais pour les quatre der­niers décès que nous avons eu, à aucun moment notre for­ma­tion, nos moyens ne sont mis à défaut. C’est la véri­table dan­ge­ro­si­té du métier qui refait surface.

Etat-Major de la BSPP 1 place Jules Renard 75017 Prais

Que repré­sente pour vous le fait de deve­nir géné­ral com­man­dant la Brigade ?

C’est l’histoire d’une vie. Je suis le fils d’un sous-offi­cier de la BSPP, qui a com­men­cé sapeur et qui a ter­mi­né sa car­rière adju­dant-chef. Il a su me trans­mettre le virus et j’ai eu cette chance de voir la Bri­gade par une belle fenêtre et de la voir tel­le­ment évo­luer sans jamais rien perdre de son éclat et de ses fon­da­men­taux. Vous l’avez com­pris, la Bri­gade c’est quelque chose ! Alors arri­ver à ce poste, ce n’est pas un abou­tis­se­ment parce que fort heu­reu­se­ment dans la vie il faut avoir plu­sieurs centres d’intérêt et plu­sieurs sources de sti­mu­la­tion. Mais c’est une fier­té de faire ce métier, dans ces condi­tions, et un immense plai­sir de le par­ta­ger avec des femmes et des hommes qui com­prennent, je pense, la façon dont je m’exprime ; des femmes et des hommes qui ont la Bri­gade che­villée au corps, comme je l’ai. Quand j’y suis entré, j’avais sur­tout en tête de mon­ter dans le four­gon, de par­tir au feu, d’être au contact de mes conci­toyens, d’être utile à la socié­té de cette manière, d’exercer tout sim­ple­ment mon rôle d’officier de l’armée de Terre. Com­man­der un jour la Bri­gade n’était pas le sujet. Aujourd’hui, c’est un grand hon­neur d’être à la tête de ces hommes et ces femmes d’exception. Celles et ceux qui écrivent les pages de l’histoire de la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris !

Com­ment per­ce­vez-vous la BSPP et com­ment est-elle, selon vous, per­çue de l’extérieur ?

La BSPP est une uni­té recon­nue, par essence, qui a l’estime de la popu­la­tion et un capi­tal sym­pa­thie énorme. C’est une his­toire de cœur et de cou­rage. Elle sou­lage la détresse, elle accourt pour amoin­drir la dou­leur, elle est au contact des plus fra­giles. D’une cer­taine manière, elle sauve une part du monde tous les jours et je pense qu’il faut en être conscient. Il faut en être fier, sans fio­ri­ture et sans fausse modes­tie, mais en toute humi­li­té, il faut être fier de ce que nous fai­sons. La Bri­gade a une vraie valeur, main­te­nant c’est à nous, col­lec­ti­ve­ment, de faire en sorte de la conser­ver, de la ren­for­cer. Par­fois des écarts de com­por­te­ment sont com­mis, très sou­vent rele­vant d’actes indi­vi­duels et ces erreurs regret­tables doivent nous rap­pe­ler que nous sommes un tout ter­ri­ble­ment humain, avec ses forces et ses fai­blesses. Le reflet de la socié­té dans sa diver­si­té, dans sa richesse et par­fois dans sa part d’ombre.

Quelle est la qua­li­té pre­mière du sapeur-pom­pier de Paris et com­ment peut-il expri­mer au mieux son sta­tut militaire ?

La qua­li­té pre­mière du sapeur-pom­pier de Paris, c’est sa volon­té de ser­vir. Très clai­re­ment, on ne rejoint pas cette uni­té par hasard. C’est un choix per­son­nel et pro­fes­sion­nel. Mais le choix du sta­tut mili­taire éga­le­ment, avec ses droits, qu’il ne faut pas més­es­ti­mer, et sur­tout ses devoirs et ses obli­ga­tions. Et le pre­mier des devoirs, c’est le sens de la mis­sion, ce dévoue­ment extrême, et cette géné­ro­si­té pous­sée à son paroxysme. Tout cela se résume en un art de vivre qui m’est très cher : le culte de la mis­sion. J’ai ça à faire ? Je le fais. Je ne regarde pas d’abord ma fiche de poste en disant que je n’ai pas à le faire. Cela fait quand même une dif­fé­rence. Cet enga­ge­ment a une valeur : il n’a pas de prix ni de coût. Et cette valeur, c’est la mise à dis­po­si­tion de sa jeu­nesse. Ses plus belles années don­nées au pro­fit de la popu­la­tion pari­sienne et de la Nation. Je rap­pelle que le sapeur-pom­pier de Paris est éga­le­ment enga­gé sur des théâtres exté­rieurs, c’est l’expression de son statut.

pre­miere PJD VISG pour le gene­ral Gontier

La BSPP répond-elle aux stan­dards du XXIe siècle ?

La Bri­gade est un outil for­mi­dable, un modèle excep­tion­nel. Créée par Napo­léon Bona­parte, la BSPP est forte de deux siècles d’histoire, accom­pa­gnant les trans­for­ma­tions de l’é­poque du baron Hauss­mann aux enjeux de la nou­velle métro­pole du grand Paris, en tra­ver­sant plu­sieurs conflits mon­diaux. La Bri­gade est quelque chose d’ex­trê­me­ment vivant et de tout à fait actuel. C’est pour cela qu’il faut sans cesse se remettre sur l’ouvrage, que ce soit une part de notre orga­ni­sa­tion, notre fonc­tion­ne­ment cou­rant, ou encore notre prise en compte du futur et c’est nor­mal, car c’est une grande « Mai­son », éta­blie sur quatre dépar­te­ments. C’est unique en France. Mais c’est un modèle qui a toute sa per­ti­nence et encore de l’avenir. Riche de son capi­tal humain, ren­for­cé par son sta­tut, il pos­sède encore une très forte capa­ci­té d’adaptation, d’innovation et une agi­li­té remar­quable pour une ins­ti­tu­tion bicen­te­naire et forte de 8 500 femmes et hommes de convic­tion. Dans toutes ses dimen­sions, humaines, opé­ra­tion­nelles, tech­niques, intel­lec­tuelles, inven­tives, per­son­nelles et col­lec­tives. La Bri­gade a assu­ré­ment de l’avenir.

Quels sont les atouts de la Bri­gade pour faire face aux enjeux de demain ?

Déjà, sa com­mu­nau­té humaine. Ceux qui nous rejoignent sont prêts à don­ner sans comp­ter pour faire pro­gres­ser une belle cause. Cet enthou­siasme est déjà un grand atout. Ensuite, vient la cohé­rence. Notre chaîne de com­man­de­ment est solide, struc­tu­rée et capable de valo­ri­ser toutes les ini­tia­tives. Et c’est la force de cette mai­son : valo­ri­ser les ini­tia­tives. La Bri­gade est une entre­prise appre­nante. Tout ce qu’elle voit, elle le valo­rise, elle le fait sienne et le retrans­crit en doc­trine, en régle­men­ta­tion opé­ra­tion­nelle, en règles de pré­ven­tion ou encore en mode d’action. C’est comme ça que nous avons tra­ver­sé deux siècles. Si l’atout avait été la tech­no­lo­gie ou nos casernes, nos camions ou notre maté­riel, la Bri­gade aurait-elle été bicen­te­naire ? Non. Tout s’use, tout passe de mode, beau­coup de choses se jettent. L’atout, ce n’est pas les camions neufs, ce n’est pas les casernes, ce n’est pas tou­jours plus de moyens. C’est l’humain et le sta­tut mili­taire mais éga­le­ment son appar­te­nance à la pré­fec­ture de police qui per­met à la Bri­gade d’être au cœur des réflexions por­tant sur les enjeux de la plaque parisienne.

Sur quels axes pou­vons-nous encore amé­lio­rer notre orga­ni­sa­tion, notam­ment dans le domaine fonctionnel ?

Il faut nous moder­ni­ser. Et la moder­ni­sa­tion dans le fonc­tion­ne­ment et l’organisation passe par la déma­té­ria­li­sa­tion de beau­coup de pro­ces­sus, dans une tou­jours plus grande auto­no­mie et res­pon­sa­bi­li­sa­tion de chaque niveau de res­pon­sa­bi­li­té et de com­man­de­ment. Pour ça, on a besoin de la force d’esprit et de la créa­ti­vi­té de cha­cun. Tout ne peut pas venir du haut de la pyra­mide, c’est à l’épreuve des faits que l’on com­prend que cer­tains détails peuvent être amé­lio­rés. Il faut faire plus vite et plus simple dans cer­tains domaines tech­niques ou admi­nis­tra­tifs. Nous avons encore beau­coup de tâches internes, de façons de fonc­tion­ner qui, par­fois, n’apportent pas une plus-value excep­tion­nelle dans le quotidien.

Mettre en avant le for­mi­dable esca­lier social qu’offre la Brigade.

Quels vont être les enjeux de ces pro­chaines années pour la Brigade ?

L’enjeu immé­diat de la Bri­gade est de péren­ni­ser notre modèle. Nous sommes dans une socié­té où les choses évo­luent très vite et la ten­ta­tion per­siste à consi­dé­rer cer­tains modèles comme sur­an­nés, plu­tôt que d’es­ti­mer leurs capa­ci­tés à se remo­de­ler. Donc le pre­mier enjeu, c’est de péren­ni­ser le modèle Bri­gade et faire com­prendre à nos sapeurs-pom­piers les rai­sons de ces évo­lu­tions pour conduire ce chan­ge­ment dans les meilleures condi­tions. Ensuite, vis-à-vis de l’extérieur, les enjeux aux­quels sont confron­tés la Bri­gade sont les enjeux de notre socié­té : la smart-city, les smart grid, le numé­rique, les modes de dépla­ce­ment évo­lu­tifs, les nou­veaux rap­ports sociaux et leur ges­tion (dont notam­ment l’explosion des agres­sions qui touche for­te­ment nos sapeurs-pom­piers de Paris), l’avenir du pré-hos­pi­ta­lier… C’est la ville “intel­li­gente” et connec­tée. Demain, il fau­dra appor­ter des solu­tions de pro­tec­tion face aux nou­veaux risques qui vont émer­ger, face aux attentes tou­jours plus nom­breuses de nos conci­toyens, des solu­tions de défense face aux nou­velles menaces, notam­ment la menace ter­ro­riste, pro­téi­forme et per­sis­tante. Je ne peux pas faire une liste des enjeux de la Bri­gade, ils sont trop nom­breux : ils sont tech­no­lo­giques, indus­triels, archi­tec­tu­raux, géné­ra­tion­nels, humains… Les enjeux de la Bri­gade, c’est tout cet ensemble, c’est un « bloc » si vous me sui­vez ! Par ailleurs, nous avons des ren­dez-vous, et notam­ment les Jeux Olym­piques et Para­lym­piques de 2024. Les JO ne sont pas un enjeu mais un ren­dez-vous. Une fois les jeux pas­sés, il reste le pay­sage urbain. Ça, c’est l’enjeu, le ren­dez-vous sera pas­sé et il res­te­ra les construc­tions et leur réuti­li­sa­tion, leur seconde vie, l’héritage, c’est cela qui nous intéresse.

Des enjeux de recru­te­ment aussi ?

Bien sûr. La Bri­gade doit conti­nuer d’attirer la jeu­nesse de France et don­ner envie de la rejoindre car elle reste une oppor­tu­ni­té excep­tion­nelle. Sapeur-pom­pier de Paris c’est plus qu’un métier, c’est un idéal. C’est aus­si une des rai­sons pour les­quelles les jeunes peuvent nous quit­ter, car un idéal ne dure pas néces­sai­re­ment 20 ou 30 ans mais par­fois juste quelques années, pour les nou­velles géné­ra­tions. Avec le temps, vous pou­vez pas­ser à autre chose. C’est pour cela qu’il faut avoir une notion rai­son­nable de fidé­li­sa­tion et sur­tout mettre en avant le for­mi­dable esca­lier social qu’offre l’armée de Terre en géné­ral et la Bri­gade en par­ti­cu­lier. Chaque sapeur qui s’engage peut légi­ti­me­ment ambi­tion­ner d’assumer une fonc­tion de res­pon­sa­bi­li­té dans le domaine opé­ra­tion­nel ou tech­nique, en accé­dant au corps des sous-offi­ciers ou des offi­ciers. C’est assez rare dans une grande orga­ni­sa­tion pour le sou­li­gner. Ce n’est pas qu’une condi­tion de diplôme, c’est avant tout une ques­tion de volon­té. Il y a aus­si un objec­tif impé­ra­tif, qui est celui de per­mettre à un nombre tou­jours plus impor­tant de jeunes femmes de rejoindre nos rangs et de pro­mou­voir le lea­der­ship fémi­nin. La pra­tique du métier est com­plexe et cette com­plexi­té offre une pari­té des chances au genre. Les jeunes femmes ser­vant à la Bri­gade sont excep­tion­nelles de cou­rage et de volon­té, et éta­blissent un équi­libre pro­pice à la prise de res­pon­sa­bi­li­té et à la per­for­mance. Le lea­der­ship fémi­nin est une réa­li­té avé­rée et la Bri­gade en a besoin.

Quelles seront vos priorités ?

Il y en a trois. La pre­mière, c’est réaf­fir­mer, redon­ner à l’ensemble de nos per­son­nels les notions de prise de res­pon­sa­bi­li­té, de décon­cen­tra­tion hié­rar­chique, de com­pré­hen­sion, d’esprit d’initiative et d’intelligence de situa­tion. On ne peut pas tou­jours tout com­man­der par le haut, il faut que cha­cun assume, à son niveau, ses res­pon­sa­bi­li­tés. Mais avec la juste com­pré­hen­sion des enjeux glo­baux. Chaque éche­lon de res­pon­sa­bi­li­té apporte beau­coup dans la cohé­rence de l’unité, du sapeur de pre­mière classe ou du capo­ral au chef d’agrès, du chef de centre au com­man­dant d’unité. C’est nor­mal, tout cela s’emboîte, et fait la struc­tu­ra­tion de la BSPP. La deuxième réside dans la per­for­mance col­lec­tive qui passe par la ges­tion des opé­ra­tions et l’entrainement per­ma­nent, mais éga­le­ment par la qua­li­té des rela­tions humaines. Cette fibre humaine qui anime la BSPP est de grande qua­li­té. C’est impor­tant de don­ner des pers­pec­tives à cha­cun, et d’être à leur écoute. Cela passe par trois mots simples : com­pé­tence, rigueur, huma­ni­té. La com­pé­tence dans l’ac­tion, la rigueur indi­vi­duelle et col­lec­tive, et l’humanité dans ce que la Bri­gade offre à vivre à ses sapeurs-pom­piers : l’exceptionnel dra­ma­tique, le geste de géné­ro­si­té au quo­ti­dien. La troi­sième orien­ta­tion, c’est que tout est pos­sible. On ne peut pas garan­tir un par­cours pro­fes­sion­nel sécu­ri­sé car la majo­ri­té de nos per­son­nels sont sous contrat, mais nous garan­tis­sons, à celui qui s’en donne les moyens, d’assumer des res­pon­sa­bi­li­tés, de pou­voir aller à l’avancement et de faire par­tie de la chaîne de com­man­de­ment. Nous devons y atta­cher toute notre atten­tion. On n’embauche pas un capo­ral, un chef de centre ou un offi­cier sur concours : on le pro­duit. On le forme ! On l’ac­com­pagne à tous les niveaux. La Bri­gade ne peut pas se pas­ser de son esca­lier social, et cela doit être pour­sui­vi et conso­li­dé autant que pos­sible. Nous sommes pro­duc­teurs de pers­pec­tives et de valeurs.

Cer­tains points vous inquiètent-ils en termes de fidé­li­sa­tion, notam­ment l’attrait que peuvent avoir les SDIS ?

Bien sûr. Nous met­tons beau­coup d’énergie, de cœur et de moyens pour for­mer notre per­son­nel, l’entrainer au quo­ti­dien et édi­fier notre chaîne de com­man­de­ment. C’est donc tou­jours un crève-cœur que de voir par­tir trop tôt cer­tains de nos mili­taires du rang, de nos cadres sur les­quels nous avions inves­ti. Cette inquié­tude est simi­laire pour n’importe quel chef d’entreprise qui voit par­tir sa main d’œuvre qua­li­fiée. Je res­pecte le choix des uns et des autres mais il est vrai que cela ajoute de la dif­fi­cul­té. À cha­cune des struc­tures ses atouts, ils ne sont pas les mêmes, il n’y a pas d’ambiguïté. Mais en défi­ni­tive, c’est aus­si une « pro­pa­ga­tion » de nos valeurs, c’est plu­tôt positif !

Et je tiens à rap­pe­ler que la Bri­gade accom­pagne ce retour vers la vie civile à tra­vers les dif­fé­rents dis­po­si­tifs d’aides ani­més par l’agence de recon­ver­sion de la défense et le ser­vice de recon­ver­sion interne. D’ailleurs, les pro­jets de recon­ver­sion ne concernent pas exclu­si­ve­ment la fonc­tion publique, loin de là. Cet accom­pa­gne­ment est un véri­table atout de notre sta­tut, cela tra­duit cette consi­dé­ra­tion que nous devons à chacun(e) d’entre nous !

Quelle est, selon vous, la ligne de conduite à adop­ter dans le domaine de la soli­da­ri­té entre sapeurs-pom­piers de Paris ?

Cela com­mence par la vie de caserne. On par­tage quelque chose de fort pen­dant les gardes donc, à par­tir de là, il faut se consi­dé­rer comme frères d’armes. Le terme est bien choi­si. Les uns doivent prendre soin des autres. Pour moi, la soli­da­ri­té s’exprime déjà au sein de l’unité de base : le centre de secours. Il faut avoir une atten­tion réelle les uns envers les autres. Après, nous avons aus­si un réseau d’aidants, de leviers dans l’action sociale, qui pour­ra aider le sapeur-pom­pier au besoin. Ensuite, sur le plan opé­ra­tion­nel, le binôme est le sym­bole du sou­tien mutuel, notre vie dépend de l’autre et inver­se­ment. La soli­da­ri­té passe aus­si par le res­pect de soi et de l’autre. Il faut avoir de l’estime pour ce que l’on fait et res­pec­ter notre cama­rade, parce que c’est tout sim­ple­ment le pro­lon­ge­ment de soi ! Il fait le même métier, dans les mêmes condi­tions, avec les mêmes contraintes et la même convic­tion. Pour moi, la soli­da­ri­té c’est tout par convic­tion et rien par obligation.

Quelle impor­tance accor­dez-vous à l’action sociale ?

C’est un levier du bien vivre son enga­ge­ment et ensemble. Quand on est fort de 8 500 per­sonnes, il y a imman­qua­ble­ment des coups du sort et des aléas de la vie. Cela ras­sure de savoir qu’il existe de réels dis­po­si­tifs, faciles à rejoindre avec de vrais résul­tats. Cela ne résou­dra pas tous les pro­blèmes mais c’est déjà un pre­mier appui que l’on donne à quelqu’un qui com­mence à boi­ter. C’est aus­si por­ter le sac à dos de son cama­rade, pour un temps, pour qu’il puisse le reprendre ensuite. C’est ça, la soli­da­ri­té. Le but de l’action sociale n’est pas de favo­ri­ser l’enkystement mais de façon­ner de l’espérance. Notre effort consiste à évi­ter que nos per­son­nels ne sombrent dans une situa­tion dif­fi­cile mais puissent retrou­ver rapi­de­ment le che­min d’une vie normale.

Pour moi la soli­da­ri­té, c’est tout par convic­tion et rien par obligation.

Quelle doit-être la place des anciens dans notre dispositif ?

Nous devons gar­der le lien avec nos anciens car ils sont la conti­nui­té de notre esprit de corps. Quand on nous quitte, c’est ras­su­rant et convi­vial de savoir qu’il y a une asso­cia­tion pour nous accueillir dans notre région d’origine ou pour nous aider dans une recon­ver­sion. Les anciens sont éga­le­ment impor­tants en termes de recru­te­ment, car ils portent haut les valeurs de la Bri­gade et peuvent don­ner envie à des jeunes de leur entou­rage de nous rejoindre. Cette conti­nui­té a du sens. Nos aînés sont une grande part de notre his­toire et nous sommes leurs héri­tiers. C’est impor­tant d’avoir un échange, un lien, une rela­tion avec eux. Aujourd’hui la Bri­gade est une et indi­vi­sible, et il n’y a qu’un sta­tut à la Bri­gade : celui de sapeur-pom­pier mili­taire de Paris, qu’il serve en uni­té d’incendie, d’appui ou de for­ma­tion, en état-major, dans un bureau ou dans un ate­lier. Quand le sapeur-pom­pier de Paris quitte la Bri­gade et qu’il rejoint le rang des anciens, il conti­nue d’appartenir d’une cer­taine façon à une même com­mu­nau­té à tra­vers la fédé­ra­tion natio­nale des anciens sapeurs-pom­piers de Paris.

Y a‑t-il des per­sonnes qui vous ont davan­tage ins­pi­ré à la Brigade ?

J’ai été impres­sion­né par les sous-offi­ciers qui m’ont for­mé, par leur connais­sance du métier et leur pas­sion. Leur volon­té de trans­mettre. Ils m’ont don­né envie de res­ter. Après, au cours de mon par­cours, j’ai eu la chance de ren­con­trer des offi­ciers qui m’ont com­man­dé et qui ont su me mettre sur la voie, en disant “il ne faut pas en res­ter là mais il faut aller vers ça”. Ils se recon­nai­tront. D’autres ont su accom­pa­gner mes ini­tia­tives et ont été bien­veillants. Tout au long de mon par­cours, que ce soit à la Bri­gade ou lorsque j’ai exer­cé d’autres fonc­tions au sein de l’armée de Terre et des armées, j’ai tou­jours ren­con­tré des per­sonnes qui avaient ce feu sacré. Les grands chefs mili­taires sont éga­le­ment ins­pi­rants, que ce soit les vain­queurs de 14 – 18 ou ceux qui ont réin­ves­ti la France au cours de la seconde guerre mon­diale, ou bien encore ceux qui ont com­bat­tu pour la liber­té sur de nom­breux conti­nents… De grandes figures m’ont ins­pi­ré, bien évi­dem­ment. Il est d’ailleurs très inté­res­sant de décou­vrir dans les bio­gra­phies de nos grands chefs mili­taires, leur pro­fonde huma­ni­té, leur grande culture et leur volon­té féroce. Ils ont tou­jours été atten­tifs envers le groupe, sans fausse déma­go­gie, et pion­niers d’une cer­taine façon.

Avez-vous une maxime qui condui­rait votre action ?

Quand on cite trop sou­vent, c’est que l’on n’a pas ses propres mots. Alors je ne vous dirai qu’une chose : ce qui m’anime depuis le début, c’est que je ne fais rien par obli­ga­tion, tout par convic­tion. Je crois que beau­coup d’entre nous se retrou­ve­ront dans cette façon de pen­ser. Mais j’aime aus­si beau­coup Chur­chill qui disait “l’attitude est une petite chose qui fait une grande différence”.

Curriculum Vitae

BIOGRAPHIE DU GÉNÉRAL JEAN-MARIE GONTIER

Com­man­dant la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris

Né le 13 juillet 1965 à Mon­treuil, le géné­ral Jean-Marie Gon­tier com­mande la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris, depuis le 30 novembre 2019. Après une sco­la­ri­té à l’École mili­taire pré­pa­ra­toire d’Autun, il suit des études supé­rieures à l’université du Pan­théon-Sor­bonne (1983/​1988), où il obtient un DEA d’économie publique et un DESS de sciences-poli­tiques, tout en étant rédacteur/​crédits entre­prises dans une grande banque parisienne.

Il choi­sit, en 1988, la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris à l’issue de la for­ma­tion ini­tiale d’officier de réserve, où il sert au 1er grou­pe­ment d’incendie et de secours (24e Cie). Acti­vé offi­cier sur titre, il suit la divi­sion d’application de l’École supé­rieure et d’application du Génie. A l’issue, il rejoint en 1991, la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris, à la 28e, 27e puis à la 6e com­pa­gnie. Il y occupe les fonc­tions de chef de garde incen­die, adjoint au com­man­dant de com­pa­gnie puis com­man­dant d’unité.

En 1998, il est muté comme chef de bureau, à la direc­tion du Génie de Limoges. Bre­ve­té de l’École de Guerre en 2001 (8e pro­mo­tion du Col­lège Inter­ar­mées de Défense), il obtient éga­le­ment un DEA de polé­mo­lo­gie et d’histoire com­pa­rée à la Sor­bonne (Paris IV).

De 2001 à 2004, il sert au secré­ta­riat géné­ral pour l’administration, en tant que chef de bureau du contrôle de ges­tion à la direc­tion du ser­vice natio­nal et est déta­ché auprès de la mis­sion minis­té­rielle d’aide au pilo­tage. En 2002, Il sera enga­gé en opé­ra­tion exté­rieure dans un cadre mul­ti­na­tio­nal en Sier­ra-Léone (opé­ra­tion Silk­man sous man­dat Britannique).

Il rejoint de nou­veau la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris et occupe de 2004 à 2008, le poste de chef de bureau de la pro­gram­ma­tion finan­cière et du bud­get. Il est un inter­lo­cu­teur pri­vi­lé­gié des auto­ri­tés bud­gé­taires, de la ville de Paris, de la pré­fec­ture de Police, de la direc­tion de la sécu­ri­té civile et du minis­tère de l’Intérieur. Pen­dant cette période, il a été audi­teur de la 5e pro­mo­tion du cycle des hautes études pour le déve­lop­pe­ment éco­no­mique, diri­gé par le minis­tère de l’économie et des finances.

En 2008, il est affec­té au 1er grou­pe­ment d’incendie, qu’il com­mande de 2009 à 2011. Il est élu dans le même temps à la pré­si­dence de la mutuelle des sapeurs-pom­piers de Paris, poste qu’il assu­re­ra jusqu’à l’été 2019.

En 2011, il prend les fonc­tions de direc­teur de la for­ma­tion et chef de corps de l’École Poly­tech­nique. En tant que membre du comi­té exé­cu­tif, il par­ti­cipe à l’évolution des modes de ges­tion de l’École et des par­cours aca­dé­miques des élèves ingé­nieurs et l’ouverture à l’international.

En 2015, il intègre pour la 4e fois la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris, comme chef d’état-major puis com­man­dant en second. Audi­teur de la 26e ses­sion natio­nale de l’Institut natio­nal des hautes études de sécu­ri­té et jus­tice, il suit en même temps un exe­cu­tive mas­ter à la Har­vard Ken­ne­dy School (lea­der­ship in cri­sis). Conso­li­dant son exper­tise dans la ges­tion de crise, il a éga­le­ment sui­vi plu­sieurs stages opé­ra­tion­nels, au sein du méca­nisme euro­péen de sécu­ri­té civile, au Home Front Com­mand Israé­lien et au Col­lège de Défense de l’Otan.

Il est pro­mu géné­ral de Bri­gade le 1e août 2018. Le géné­ral Gon­tier est offi­cier de la légion d’honneur, titu­laire de la médaille de ver­meil pour acte de cou­rage et de dévoue­ment, de la médaille d’or de la sécu­ri­té inté­rieure de la « ope­ra­tio­nal ser­vice medal for Sier­ra Leone » du gou­ver­ne­ment bri­tan­nique et d’une cita­tion por­tant attri­bu­tion de la médaille de la défense natio­nale éche­lon or avec étoile de vermeil.


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