LES FANIONS ET INSIGNES DES COMPAGNIES : l’étendard sonnant

Histoire — Symbole de cohésion et de notre appartenance au monde militaire, le fanion et les insignes sont des marques collectives des unités ainsi que les garants d’un héritage patrimonial. Nous avons voulu comprendre leur évolution, leurs différences et leurs points communs. Panorama.

Damien Gre­nèche —  — Modi­fiée le 5 mai 2021 à 10 h 46 

Le fanion cir­cule, passe de main en main, c’est le trait d’union entre chaque période de com­man­de­ment. Il cris­tal­lise les sou­ve­nirs, les tra­di­tions, l’amour et la fier­té que l’on a d’être ou d’avoir appar­te­nu à une com­pa­gnie plu­tôt qu’une autre. Ce der­nier trouve son ori­gine au XVIIIe siècle. Le but est simple : iden­ti­fier les uni­tés. Certes, l’ordonnance du 21 février 1779 crée le fanion de cam­pagne, mais au sens moderne, ce sont les « Tur­cos » (tirailleurs algé­riens) qui lancent cette mode des fanions de bataillon et de com­pa­gnie. Le dra­peau, res­té au poste de com­man­de­ment avec le colo­nel, laisse les com­pa­gnies, iso­lées dans de petites loca­li­tés, sans repère. Le besoin impé­rieux de pos­sé­der un emblème sym­bo­li­sant l’appartenance à l’unité pousse à sa création.

Une sym­bo­lique militaire

La pra­tique se géné­ra­lise au cours de la Pre­mière Guerre mon­diale. Les fanions pro­li­fèrent et aucun règle­ment ne contrôle cette diver­si­té. Il faut attendre la cir­cu­laire du 26 mai 1953 pour qu’une créa­tion soit obli­ga­toi­re­ment pré­cé­dée d’une demande d’homologation. Et plus récem­ment avec l’instruction concer­nant le patri­moine de tra­di­tion des uni­tés de l’armée de Terre du 21 juin 1985.

Le 15 jan­vier 1972 fait date dans l’histoire des sapeurs-pom­piers de Paris. Ce jour là, dans la cour de l’état-major Cham­per­ret, le géné­ral Per­du remet pour la pre­mière fois aux com­man­dants d’unités les fanions de leurs compagnies.

Une his­toire de couleurs

Visuel­le­ment, les uni­tés se dis­tinguent entre elles par les cou­leurs qu’elles arborent ; que ce soit par leur uni­forme, leur pom­pon de coif­fure ou leur fanion. L’attribution de ces cou­leurs est hié­rar­chi­sée dans les régi­ments de l’Infanterie dès le 25 décembre 1811 : le blanc (2e bataillon), le rouge (3e), le bleu (4e), le vert (5e), le jaune (6e). L’instruction de 1953 confirme le choix de ces cou­leurs pour chaque uni­té. Dans l’ordre de leurs numé­ros, les bataillons portent les cou­leurs bleu, garance, jon­quille et vert ; de même pour les com­pa­gnies. Ain­si, les fanions pré­sentent une com­bi­nai­son de cou­leurs unique.

En 1972, quand sont remis pour la pre­mière fois les fanions aux com­pa­gnies, les codes cou­leurs font appa­raître sept bataillons. Or, depuis le 11 août 1988, de nou­veaux fanions homo­lo­gués sont dis­tri­bués aux uni­tés. Les bataillons intra­mu­ros (Paris-Nord, Paris-Sud, Paris-Sud-ouest) et extra­mu­ros (Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Hauts-de-Seine) fusionnent entre eux pour for­mer des grou­pe­ments. Ce qui explique pour­quoi les com­pa­gnies de petite cou­ronne ont chan­gé leurs codes cou­leurs. Par exemple : la 23e com­pa­gnie est pas­sé de la com­bi­nai­son jaune/​bleu ciel (c’est-à-dire la troi­sième com­pa­gnie du bataillon Val-de-Marne) à rouge/​vert empire (la sixième com­pa­gnie du 2e grou­pe­ment). Depuis 2010, avec la créa­tion du GAS et du GSS, de nou­velles com­pa­gnies appa­raissent, et donc de nou­velles cou­leurs sont distribuées.

Une his­toire édifiante

Les pre­miers insignes mili­taires fran­çais appa­raissent pen­dant la Grande Guerre. Peints sur les car­ros­se­ries des avions biplans ou des pre­miers tanks, ou encore por­tés en broche sur les uni­formes. L’insigne est une révo­lu­tion pour mar­quer sym­bo­li­que­ment son appar­te­nance à une uni­té. Chez les sapeurs-pom­piers de Paris, ils émergent à par­tir de 1965. Leur nombre réfé­ren­cé est pro­por­tion­nel à l’évolution de cet objet iden­ti­taire. Même si une direc­tive sur l’état par grou­pe­ment des insignes des uni­tés (2013) réper­to­rie ces der­niers et régle­mente leurs usages, rien n’empêche la créa­tion de nou­veaux puisqu’ils ne néces­sitent pas d’homologation. Cepen­dant, une cer­taine cohé­rence his­to­rique et visuelle doit être obser­vée.
À tra­vers une lec­ture atten­tive de ces der­niers, on peut devi­ner le sec­teur de com­pé­tence ou encore, un aspect de l’histoire locale. Mais par­fois, les « meubles » sont un peu plus énigmatiques.

Les ani­maux fan­tas­tiques
His­to­ri­que­ment, les ani­maux ont tou­jours été des attri­buts de ver­tus mas­cu­lines, guer­rières ou encore des emblèmes fami­liaux. Que ce soit la vaillance du roi d’Angleterre Richard cœur de lion ou encore l’omniprésence du dra­gon, fabu­leux rep­tile, lar­ge­ment uti­li­sé par les peuples scan­di­naves et ger­ma­niques. Le dra­gon farouche gar­dien des tré­sors est éga­le­ment sym­bole d’une force invincible.

Cra­chant du feu, c’est tout natu­rel­le­ment « l’ennemi » du pom­pier. La 1re et la 27e com­pa­gnies arborent pour­tant un dra­gon sur leur écus­son. Cepen­dant, son iden­ti­fi­ca­tion est une erreur puisqu’avec le temps il a été confon­du avec la sala­mandre, ani­mal chi­mé­rique autant à l’aise dans un milieu enflam­mé que dans un envi­ron­ne­ment humide. Sculp­tée sur les façades des casernes Port-Royal et Mont­martre, elle est la véri­table mas­cotte des sapeurs-pom­piers de Paris car elle sym­bo­lise la résis­tance au feu et l’intrépidité.
Autre ani­mal ima­gi­naire, le phé­nix. Il est repré­sen­té sur les insignes de la 3e CIS. Mais depuis 2012, c’est le Lion de Bel­fort qui le rem­place. Ins­tal­lé au centre de la place Den­fert-Roche­reau, il sym­bo­lise la résis­tance du siège de Bel­fort pen­dant la guerre fran­co-prus­sienne de 1870.
Ajou­tons qu’un pro­to­type d’écusson de cette même com­pa­gnie pré­sen­tait une toute autre idée : un cochon couronné !

Mais bien sou­vent, l’animal pré­sent est une évo­ca­tion de la situa­tion géo­gra­phique de l’unité. La colombe de la 4e CIS, caser­née rue du Vieux-Colom­biers, est une réfé­rence au colom­bier de l’abbaye de Saint-Ger­main-des-Prés. Le dau­phin de la 5e CIS fait écho à la caserne de la rue Dau­phine. Le cerf de la 12e CIS rap­pelle qu’autrefois, sur le ter­rain occu­pé par la caserne de Ménil­mon­tant, se trou­vait le parc de Saint-Far­geau boi­sé et fré­quen­té par le grand gibier. Le tigre de la 16e CIS illustre quant à lui la pré­sence de nom­breux cirques dans cette par­tie de l’agglomération pari­sienne. Le che­val de la 17e CIS évoque la proxi­mi­té avec l’hippodrome de Vin­cennes. Et enfin, le tou­can de la 39e CIS inter­pelle sur le carac­tère exo­tique de cette uni­té basée en Guyane.

Des bâti­ments et des monu­ments
La pré­sence d’édifices pari­siens et de ban­lieue sur les écus­sons est éga­le­ment très répan­due. Pour de nom­breuses com­pa­gnies, c’est une manière de se récla­mer d’une ville, d’un quar­tier ou encore d’exalter la fier­té de pro­té­ger ce site. Récem­ment, la 2e com­pa­gnie a ré-adop­té la cathé­drale de Notre-Dame. His­to­ri­que­ment, l’île de la Cité est son sec­teur de com­pé­tence et l’actualité du ter­rible incen­die a ren­for­cé cette identité.

Les com­pa­gnies pari­siennes assu-rent la pro­tec­tion de nom­breux monu­ments de la capi­tale : la Tour Eif­fel (4e CIS), l’Arc de Triomphe (5e CIS), la sta­tue de la Liber­té (6e CIS), le Mou­lin-Rouge et l’Opéra Gar­nier (7e CIS), un des pavillons Bal­tard des anciennes halles et la sta­tue de la Répu­blique (8e CIS), le Sacré-Cœur (9e CIS), les gares du Nord et de l’Est ain­si que la Géode (10e CIS), ou encore le rap­pel his­to­rique du télé­graphe aérien de Chappe datant de 1791 (12e CIS). D’autre part, la pré­sence de nom­breux déta­che­ments du GAS, sur des sites bien connus, est for­te­ment repré­sen­tée : BNF, Balard, musées du Louvre et d’Orsay.

La ban­lieue n’est pas en reste. Ses com­munes pos­sèdent éga­le­ment leur lot d’édifices notoires comme : l’observatoire de Meu­don et sa grande cou­pole du XIXe siècle (16e CIS), le châ­teau du parc de Sceaux ache­vé en 1862 (21e CIS), la basi­lique de Saint-Denis, tom­beau des rois de France, et le stade de France construit en 1998 (26e CIS), ou encore le quar­tier de la Défense (28e CIS). À cette liste, nous pou­vons ajou­ter l’occupation du Fort de Villeneuve-Saint-Georges.

Des inter­ven­tions et des spé­cia­li­tés
Par­fois, les élé­ments sur l’écusson illus­trent l’activité opé­ra­tion­nelle. Le dou­lou­reux sou­ve­nir de l’embrasement des cités en 2005 (13e CIS) en fait par­tie, ou encore, plus sur­pre­nant, le risque constant d’incendies des dépôts pétro­liers de Gen­ne­vil­liers (27e CIS), où com­ment faire de la pré­ven­tion au quo­ti­dien.
On y recon­nait par­fois aus­si l’implantation spé­ci­fique d’unités de la BSPP au centre d’essais de lan­ce­ment de mis­siles de Bis­ca­rosse (36e CIS) et au centre spa­tial guya­nais à Kou­rou (39e CIS). Tout comme le rat­ta­che­ment his­to­rique de la sta­tion des bateaux-pompes de La Mon­naie à la 4e com­pa­gnie, et d’équipes de plon­geurs au CS Bitche (10e CIS). Cette domi­nante des moyens nau­tiques avec l’ancre et le bateau-pompe se retrouve éga­le­ment sur celui de la 40e compagnie.

Le sapeur-pom­pier de Paris aime affi­cher son domaine de spé­cia­li­té. Nous retrou­vons ain­si la roue des méca­ni­ciens de Volu­ceau (32e CIS), la foudre sym­bole de l’arme des trans­mis­sions (37e CIS), les lignes du sys­tème binaire des infor­ma­ti­ciens de la 47e com­pa­gnie, et enfin les signes du dan­ger bio­lo­gique et nucléaire des hommes de la com­pa­gnie NRBC (38e CIS).

Incon­tour­nable, la thé­ma­tique pom­pier est omni­pré­sente avec les haches ou encore les casques. Alors qu’un casque se dis­si­mule en fili­grane sur un ancien écus­son de la 28e com­pa­gnie, la 15e CIS fait une réfé­rence à la fon­da­tion gal­lo-romaine de Cham­pi­gny (Cam­pen­nium, de son nom latin) avec un casque de légion­naire romain. Plus fonc­tion­nelle, la 14e com­pa­gnie met en avant un der­nier outil : la tricoise.

Une belle corbeille

Témoins du pas­sé agraire et tra­di­tion­nel de cer­tains sec­teurs, des fruits se retrouvent sur les fanions. Les vignes et ses célèbres ven­danges de la caserne Blanche (7e CIS), la grappe de rai­sin et la poire des ver­gers de Vil­le­juif (22e CIS), ain­si que la pêche de Mon­treuil (24e CIS) ali­mentent une belle cor­beille d’écussons.



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