L’EXPLORATION LONGUE DURÉE s’installe à Ivry


Rassemblement ELD au CS Ivry

#BrigadeInside — Avec l’urbanisation toujours croissante de la mégapole parisienne et le Grand Paris Express, la BSPP renforce sa réponse opérationnelle. Le centre de secours d’Ivry-sur-Seine illustre cette montée en puissance en intégrant une composante exploration longue durée. Décryptage d’une caserne pas comme les autres !

Maxime Gri­maud —  — Modi­fiée le 5 mai 2021 à 10 h 43 

« Dans les méga­poles, les risques d’incendie en infra­struc­tures ont for­te­ment évo­lué, ana­lyse le capi­taine Xavier Gui­bert, conseiller tech­nique de la com­po­sante ELD. On y trouve aujourd’hui une mul­ti­tude de chan­tiers sou­ter­rains, de tun­nels rou­tiers, de métros et de trains, bien plus longs et plus pro­fonds. Viennent se rajou­ter, encore sous nos pieds, des kilo­mètres de gale­ries tech­niques. Sans oublier le nombre crois­sant de parcs de sta­tion­ne­ment cou­vert (PSC). Il y a encore quelques années, les feux de PSC étaient rela­ti­ve­ment anec­do­tiques et peu volu­mi­neux. Aujourd’hui, il n’est pas rare que les sapeurs-pom­piers en Europe soient confron­tés à des incen­dies hors normes. » Ces situa­tions s’expliquent par l’évolution des risques. Les PSC construits dans les années 60 vieillissent et ne répondent pas tou­jours aux normes de sécu­ri­té. Par­fois même s’y ins­tallent d’autres acti­vi­tés comme le sto­ckage ou par­fois le com­merce. Le PSC est même deve­nu un lieu de vie pour les infor­tu­nés. Les plus modernes s’enfouissent de plus en plus : jusqu’à dix niveaux en infra­struc­ture pour Paris. Les engins ont éga­le­ment évo­lué : hier on trou­vait des véhi­cules essence ou die­sel. Aujourd’hui, les véhi­cules élec­triques, à gaz et à hydro­gène se sont ajou­tés à l’équation. Ils sont fabri­qués entiè­re­ment en plas­tique et sou­vent plus larges que les voi­tures d’antan. Tous ces fac­teurs amènent le feu à se pro­pa­ger plus rapi­de­ment en cas d’incendie. L’engagement du sapeur-pom­pier en devient d’autant plus com­plexe.
Ces nou­velles pro­blé­ma­tiques s’inscrivent dans la durée. « Le chan­tier du grand Paris Express illustre bien l’envergure de cette mis­sion avec ses immenses tun­nels longs de plu­sieurs kilo­mètres, pour­suit l’officier. Sans oublier les lignes exis­tantes qui s’allongent (métro 14, RER E, etc.) et la créa­tion des lignes 15, 16, 17 et 18. » Les feux d’infrastructures risquent ain­si de se mul­ti­plier. En résu­mé, un défi de poids pour les sol­dats du feu.

UNE NOUVELLE CASERNE POUR LES ELD

La com­po­sante explo­ra­tion longue durée (ELD), adap­tée à ce type d’intervention, consti­tue le meilleur atout de la Bri­gade pour lut­ter contre ces phé­no­mènes. Depuis trois ans, une mon­tée en puis­sance s’organise à l’état-major (EM). « Avec seule­ment deux centres de secours ELD, basés à Issy-les-Mou­li­neaux (GIS3) et au Blanc-Mes­nil (GIS1), il deve­nait très dif­fi­cile de cou­vrir effi­ca­ce­ment la tota­li­té du sec­teur Bri­gade, insiste le capi­taine Gui­bert. Sur des sec­teurs loin­tains, notam­ment en extra-muros dans le deuxième grou­pe­ment d’incendie et de secours, un groupe ELD met­tait plus d’une heure à se mettre en place avant de s’engager. Un délai bien trop long. »

Rapi­de­ment, le com­man­de­ment de la BSPP, et notam­ment le bureau pla­ni­fi­ca­tion opé­ra­tion­nelle (BPO), pré­voit la créa­tion d’une troi­sième caserne ELD dans le deuxième grou­pe­ment d’incendie et de secours (GIS2). « Nous devions trou­ver une caserne suf­fi­sam­ment grande pour accueillir des engins sup­plé­men­taires et bien des­ser­vie par les auto­routes et le péri­phé­rique » jus­ti­fie-t-il. Après une étude appro­fon­die, le choix s’est por­té sur le centre de secours d’Ivry-sur-Seine de la 2e CIS.

Créée en 2014, cette caserne pro­fite de 4.800 m² d’espace, d’une grande cour et d’une remise capable d’accueillir de nou­veaux engins. Elle offre un cadre de vie idéal pour ses mili­taires. « Nous avons accès à l’A86, à l’A4, à l’A6, au bou­le­vard péri­phé­rique, aux quais et même à plu­sieurs “drop­zones” confirme l’adjudant Michael Teis­sier, chef de centre d’Ivry-sur-Seine. Nous sommes idéa­le­ment implan­tés sur le sec­teur. Les condi­tions sont idéales pour le déploie­ment rapide des ELD sur le sec­teur du GIS2 ! »

LA FORMATION, UN ENJEU CRUCIAL

L’armement de la com­po­sante ELD s’est fait pro­gres­si­ve­ment. « Ce qu’il faut bien com­prendre, c’est que tous les mili­taires d’une caserne ELD doivent avoir cette cer­ti­fi­ca­tion, insiste le sous-offi­cier. Une garde ELD arme à la fois des engins typiques d’un CS, tel que le VSAV et le four­gon, tout en étant apte à déca­ler pour une inter­ven­tion ELD. Pour être plus clair : le four­gon est omni­bus avec le camion explo­ra­tion longue durée (CELD), et la VL chef de garde est aus­si une VL GELD. »
Pour recréer une caserne ELD, trois axes de déve­lop­pe­ment s’appliquent : l’emploi, la logis­tique et la for­ma­tion. « C’est le der­nier volet qui s’est avé­ré être le plus dif­fi­cile à gérer, reprend le capi­taine Gui­bert. Une for­ma­tion ELD est lourde à mettre en place : au maxi­mum huit sta­giaires, quatre for­ma­teurs et un direc­teur de stage sur quinze jours. Dont trois dans le sud avec le centre d’entraînement aux tech­niques d’intervention et de sur­vie (CETIS) inti­tu­lé : enga­ge­ment en condi­tions extrêmes (ECE), et géré par le bataillon des marins-pom­piers de Mar­seille (BMPM). »
For­mer des per­son­nels pour les deux centres de secours déjà exis­tants tout en cher­chant à rem­plir la caserne d’Ivry-sur-Seine s’avère donc par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile. « Concrè­te­ment, je devais for­mer trois fois plus d’hommes et femmes tout en main­te­nant le niveau glo­bal. Mal­heu­reu­se­ment, la crise de la Covid-19 a inexo­ra­ble­ment ralen­ti notre pro­jet, admet Xavier Gui­bert. Nous n’avons pu com­men­cer les stages qu’en sep­tembre ce qui nous a limi­té à quatre for­ma­tions sur l’ensemble de l’année 2020, bien moins que ce que nous espé­rions. » Si la crise de la Covid-19 se ralen­tit, le capi­taine espère qu’il pour­ra orga­ni­ser sept stages pour 2021.

« Nous avons pro­po­sé à tous les mili­taires d’Ivry-sur-Seine d’être for­més ELD.

CNE Xavier Guibert

GESTION & ORGANISATION

En paral­lèle, une poli­tique RH d’ampleur s’est orga­ni­sée. « Nous avons pro­po­sé à tous les mili­taires d’Ivry-sur-Seine d’être for­més ELD. Pour ceux qui ne sou­hai­taient pas rejoindre l’aventure, des muta­tions ont été pré­pa­rées en amont pour satis­faire au mieux les pré­fé­rences de cha­cun, explique le chef de centre. Par la suite, une impor­tante poli­tique de recru­te­ment s’est mise en place. En fin d’année, tout s’est accé­lé­ré : qua­torze de mes hommes sont par­tis et vingt-et-un volon­taires ont pas­sé la porte d’Ivry-sur-Seine. » Sans oublier le réajus­te­ment du réfé­ren­tiel des effec­tifs en orga­ni­sa­tion (REO) avec l’arrivée du véhi­cule ren­fort bran­cards (VRB), inté­gré plei­ne­ment dans le module GES (voir enca­dré) et acti­vé au CS à par­tir de mi-décembre. L’adjudant peut éga­le­ment comp­ter sur l’arrivée pro­chaine de sous-offi­ciers, issus des autres CS ELD, afin de pro­fi­ter de leur riche expé­rience opérationnelle.

Chef de centre ELD du CS Ivry

La logis­tique d’Ivry-sur-Seine s’avère plus consé­quente que dans un CAS clas­sique. « Avec le nombre crois­sant d’engins et d’EPI, j’ai trois fois plus d’hommes au ser­vice remise. L’entretien a pris une ampleur inédite, notam­ment pour le parc gaz com­pri­mé : mul­ti­plié par trois avec l’intégration des ARI à cir­cuit fer­mé, jus­ti­fie Michael Tes­sier. Sans oublier les ARI stan­dards, les masques, les masques arai­gnées et les SAD. » Aupa­ra­vant, le chef de centre ne dis­po­sait que de trois conduc­teurs et d’un gra­dé. Aujourd’hui, il lui faut six conduc­teurs, trois gra­dés, un ser­gent et un ser­gent, chef de garde, pour suivre la cadence. Sans oublier le volet SSH. La mul­ti­pli­ca­tion des pro­to­coles d’hy­giène pré­ven­tion incen­die (HPI) impose la dota­tion de trois tenues de feu pour cha­cun de ses hommes.

Par ailleurs, cette com­po­sante reste par­ti­cu­liè­re­ment sol­li­ci­tée à l’échelle de la Bri­gade. « Nous serons employés dix à quinze fois par mois pour des exer­cices, for­ma­tion de main­tien des acquis (FMA), caves à fumée et pré­sen­ta­tion ELD. Sans comp­ter les ren­dez-vous inhé­rents à toutes les casernes tels que les céré­mo­nies et exa­mens. Je dois bien évi­dem­ment prendre en compte tous ces fac­teurs dans mes plan­nings ». Plu­sieurs de ses hommes n’étant pas encore for­més, le chef de centre active la com­po­sante ponc­tuel­le­ment, en fonc­tion de sa garde. « Sur un mois, je fais le maxi­mum pour que la res­source ELD soit le plus sou­vent disponible ! »

En atten­dant qu’ils soient tous for­més, l’adjudant Michael Teis­sier pour­suit la muta­tion de son centre de secours et adresse un der­nier mes­sage aux COS : « n’hésitez pas à deman­der un groupe ELD sur inter­ven­tion. Nous sommes une réelle plus-value pour la com­po­sante incen­die, alors autant faire appel à nous ! ».

JE DEMANDE UN GROUPE ELD !

Sur feu, les ELD pro­fitent d’une excep­tion­nelle sou­plesse d’emploi. La limite des 25 minutes de temps d’engagement ne s’appliquant pas, une équipe ELD peut pour­suivre ses enga­ge­ments aus­si long­temps que le per­mettent les bou­teilles d’air : soit 1h en moyenne.
Les équipes n’utilisent pas non plus de ligne-guide et peuvent donc dépas­ser les 50 m de dis­tance. On ne parle plus de recon­nais­sances mais bien d’exploration.
Par­ti­cu­liè­re­ment variées, les mis­sions réa­li­sables par les ELD consti­tuent un véri­table atout pour le COS : explo­ra­tion, extrac­tion, extinc­tion, effrac­tion ou encore appui (sécu­ri­ser, gui­der, bali­ser, éclai­rer, etc.).


LE GROUPE D’EXTRACTION SPÉCIALISÉ (GES)

Tous les per­son­nels ELD suivent une for­ma­tion com­plé­men­taire impli­quant l’extraction de vic­times dans un contexte d’attentat, de périple meur­trier ou de prise d’otage. Cette com­po­sante s’intègre dans une manœuvre d’ensemble aux côtés des forces de police.
Sur la zone d’intervention, le GES doit prendre en compte le nombre de bles­sés, la nature des bles­sures, la com­plexi­té du ter­rain et le désordre géné­ré. Ces situa­tions excep­tion­nelles impliquent un mode d’action pri­vi­lé­giant une approche et une prise en charge rapide : sau­ve­tage, trai­te­ment des patho­lo­gies les plus graves, triage et éva­cua­tion vers les points de regrou­pe­ment des vic­times.
Les mili­taires doivent s’attendre à trai­ter de nom­breuses vic­times dont la patho­lo­gie domi­nante est celle des bles­sures de guerre.


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