NOUVELLES MOTORISATIONS : comment les éteindre ?

L’œil du SP — Au 1er janvier 2020, le parc roulant français s’élevait à 39 millions de véhicules (source : comité des constructeurs français d’automobiles — CCFA). Même si les motorisations classiques (diesel /​essence) occupent 98 % du marché de l’automobile, les motorisations alternatives ne cessent de prendre de plus en plus de place dans le paysage automobile français. Pour la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, les conduites d’opérations sur ces types de véhicules sont particulières. Entre hybride, GPL, GNV, tout électrique ou hydrogène, ALLO DIX-HUIT pose aujourd’hui un regard technique sur l’extinction de ces véhicules.

Jean Flye —  — Modi­fiée le 30 avril 2021 à 09 h 39 

VOUS AVEZ DIT « HYBRIDE » ?

Les véhi­cules hybrides fonc­tionnent grâce à des éner­gies alter­na­tives et/​ou jume­lées. Ils com­prennent aus­si bien les véhi­cules élec­triques, que les véhi­cules rou­lant au gaz, qu’il soit sous la forme liquide ou gazeuse. En résu­mé, tous les véhi­cules fonc­tion­nant autre­ment qu’avec des éner­gies fos­siles sont des véhi­cules hybrides. Aujourd’hui, chaque marque pro­pose à la vente son modèle phare sous moto­ri­sa­tion hybride. Zéro ou très faible émis­sion en dioxyde de car­bone et réduc­tion des coûts liés au car­bu­rant sont les argu­ments-clés pour inves­tir. Les véhi­cules en cir­cu­la­tion offrent une diver­si­té de modes de pro­pul­sion extrê­me­ment vaste, asso­ciant de plus en plus sou­vent des éner­gies dif­fé­rentes. Lors d’un feu de véhi­cule, les inter­ve­nants doivent conser­ver à l’esprit que l’explosion d’un réser­voir sous pres­sion est le risque majeur. Plus le temps de com­bus­tion aug­mente, plus le risque aug­mente. Dans l’immense majo­ri­té des cas, une attaque immé­diate à l’eau garan­tit une non-exten­sion du sinistre. Lorsque les inter­ve­nants manquent de cer­ti­tudes quant aux carac­té­ris­tiques du véhi­cule sinis­tré, l’hy­po­thèse de la pré­sence d’un réser­voir sous pres­sion doit gui­der leur action.

RÉPARTITION DES VENTES EN FRANCE (2019)

NOUVELLES ÉNERGIES ? QUELS MODES D’EXTINCTION ?

LE GAZ DE PÉTROLE LIQUÉFIÉ (GPL)
Le GPL est com­po­sé d’un mélange de pro­pane et de butane uti­li­sé comme car­bu­rant auto­mo­bile. Une voi­ture équi­pée du GPL est à bicar­bu­ra­tion : elle com­porte un réser­voir essence et un réser­voir GPL. C’est le réser­voir essence qui est uti­li­sé au démar­rage, le temps que le moteur atteigne une tem­pé­ra­ture suf­fi­sante. Les deux réser­voirs ali­mentent ensuite suc­ces­si­ve­ment le moteur du véhi­cule, en fonc­tion des réserves de car­bu­rant dis­po­nibles. Équi­pé de deux réser­voirs dis­tincts, le véhi­cule GPL a une auto­no­mie d’environ 1 000 kilo­mètres. Avec près de 1 650 sta­tions-ser­vices répar­ties sur tout le ter­ri­toire, le GPL est le car­bu­rant alter­na­tif le plus lar­ge­ment dis­tri­bué. Cette tech­no­lo­gie n’est pas contrai­gnante. En effet, lorsque le réser­voir GPL est vide, le véhi­cule fonc­tionne comme n’importe quelle voi­ture essence.

ET SON EXTINCTION ?
Lors de l’ex­tinc­tion d’un feu de véhi­cule iden­ti­fié GPL ou en l’absence totale de ren­sei­gne­ment, la conduite à tenir est par­ti­cu­lière. Il existe une tac­tique GPL (BSP 305.2), dont voi­ci les prin­ci­paux axes : après avoir éta­bli un péri­mètre de sécu­ri­té d’au moins 50 mètres, l’attaque à pri­vi­lé­gier se fait selon l’axe trois-quart avant par rap­port au véhi­cule et selon la confi­gu­ra­tion des lieux. À l’aide d’une pre­mière lance, les inter­ve­nants doivent s’approcher et atta­quer le feu par cet axe. Une seconde lance doit être éta­blie afin de pour­suivre l’extinction. Une attaque com­bi­née des deux lances per­met d’a­battre les flammes puis de figer le risque. Une lance va se foca­li­ser sur l’extinction du véhi­cule et l’autre sur le refroi­dis­se­ment du réser­voir. Un réser­voir GPL est équi­pé d’une sou­pape de sécu­ri­té qui limite le risque d’explosion. En revanche, elle peut créer un effet « tor­chère ». Il est impor­tant de ne pas souf­fler ces flammes qui pour­raient créer des mélanges explo­sifs. Une fois le véhi­cule éteint, des contrôles doivent être réa­li­sés au moyen d’un explo­si­mètre et d’une camé­ra thermique.

LE GAZ NATUREL VÉHICULE (GNV)
Le GNV est un car­bu­rant de sub­sti­tu­tion éco­lo­gique. Il pos­sède de nom­breux atouts envi­ron­ne­men­taux puisqu’il rejette 25 % de CO2 en moins par rap­port à une voi­ture clas­sique. Il n’émet pas non plus de sub­stances nocives pour la san­té. Le déve­lop­pe­ment du GNV en France est très limi­té, se heur­tant à un manque d’infrastructures et de sta­tions dédiées (moins de 300) pour faire le plein. Le gaz natu­rel est sto­cké sous une pres­sion de 200 bars dans le réser­voir. Le démar­rage du véhi­cule s’effectue impé­ra­ti­ve­ment et auto­ma­ti­que­ment à l’essence. Le sys­tème élec­tro­nique pilote le pas­sage au GNV quelques dizaines de secondes plus tard. De même, si la réserve de gaz est épui­sée, le moteur reçoit à nou­veau de l’essence. Du fait de la bicar­bu­ra­tion, les voi­tures GNV peuvent indif­fé­rem­ment rou­ler avec l’un ou l’autre des produits.

ET SON EXTINCTION ?
En pré­sence d’un feu de véhi­cule GNV, le chef d’agrès applique la même pro­cé­dure que pour un feu sur véhi­cule léger GPL. Qu’elles soient direc­te­ment expo­sées ou non, le refroi­dis­se­ment des bou­teilles est impé­ra­tif. L’utilisation du jet dif­fu­sé d’attaque per­met d’éviter toute action ther­mique bru­tale. En cas de feu de bus au GNV, le chef d’agrès s’assure en outre auprès du machi­niste que la cou­pure du contact a bien été réa­li­sée et que la per­ma­nence géné­rale de la RATP a été prévenue.

L’HYDROGÈNE
Un véhi­cule hydro­gène est pro­pul­sé par un moteur élec­trique ali­men­té par une bat­te­rie rechar­gée par un sys­tème de pro­duc­tion d’éner­gie élec­trique appe­lé « pile à com­bus­tible », dans lequel l’hydrogène joue le rôle de com­bus­tible. La pile à com­bus­tible est un géné­ra­teur d’élec­tri­ci­té qui uti­lise l’oxy­gène de l’air et l’hy­dro­gène embar­qué sous pres­sion, et pro­duit de l’eau, de la cha­leur et de l’élec­tri­ci­té. Prin­ci­pa­le­ment uti­li­sé dans les domaines aéro­spa­tial et mili­taire comme car­bu­rant des fusées et de cer­tains sous-marins, l’usage cou­rant de l’hydrogène appar­tient plu­tôt au monde du trans­port. Le véhi­cule à hydro­gène est dit « décar­bo­né » pour sa moto­ri­sa­tion qui n’é­met pas direc­te­ment de gaz à effet de serre. Tou­te­fois, la pro­duc­tion préa­lable de l’hy­dro­gène consom­mé et l’éner­gie grise néces­saire à la fabri­ca­tion du véhi­cule nuancent for­te­ment ce qua­li­fi­ca­tif. La réa­li­té de la décar­bo­na­tion dépend de la manière dont l’hy­dro­gène et le véhi­cule sont produits.

ET SON EXTINCTION ?
Lors d’un feu de véhi­cule à hydro­gène, le chef d’agrès applique la même pro­cé­dure que pour un feu sur véhi­cule léger GPL. Si le feu est nais­sant, l’attaque mas­sive est pri­vi­lé­giée, tan­dis que si le feu est géné­ra­li­sé la tac­tique GPL est préconisée.

L’ŒIL DE L’EXPERT

Le ser­gent Jean Via­la est le réfé­rent à l’échelle de la BSPP sur le domaine des véhi­cules rou­lants. De la trot­ti­nette au poids-lourd, en pas­sant par les voi­tures, les trains et les scoo­ters, le ser­gent Jean Via­la, 37 ans dont quinze ans de ser­vice à la Bri­gade, est res­pon­sable de la for­ma­tion et du main­tien des acquis sur tout le domaine du secours rou­tier. Le secours rou­tier com­prend aus­si bien le feu de véhi­cule que la désincarcération.

Au centre de for­ma­tion des cadres (CFC) depuis quatre ans, il sait de quoi il parle, « Etre réfé­rent dans ce domaine implique de se tenir au cou­rant de tout chan­ge­ment et de toute nou­veau­té. C’est un tra­vail de veille per­ma­nente ».
Curieux et pas­sion­né, il s’investit à fond dans sa mis­sion. Par ailleurs, son tra­vail implique une connais­sance tech­nique des nou­velles éner­gies. De son point de vue, les véhi­cules hybrides apportent des contraintes opé­ra­tion­nelles sup­plé­men­taires. Chaque véhi­cule hybride a sa par­ti­cu­la­ri­té, il y a dif­fé­rents types de réser­voir avec dif­fé­rentes conte­nances. « N’importe quel par­ti­cu­lier peut trans­for­mer son véhi­cule en GPL. Si le véhi­cule n’est pas contrô­lé conforme, le risque de défaillance du véhi­cule aug­mente, sa dan­ge­ro­si­té s’accroît elle aus­si. Lorsqu’un ori­fice de rem­plis­sage est caché, le risque est d’autant plus éle­vé. » La for­ma­tion des pom­piers de Paris est suf­fi­sam­ment com­plète pour éteindre la majo­ri­té des véhicules.


LE SAVIEZ-VOUS ?

À l’instar des pro­fes­sion­nels du sec­teur, cer­tains pro­prié­taires sou­haitent, eux-mêmes, modi­fier leur propre véhi­cule afin de réa­li­ser des éco­no­mies.
Ce type de modi­fi­ca­tion dis­pose d’un cadre légal. Selon l’article R. 321 – 16 du Code de la route : « Tout véhi­cule iso­lé ou élé­ment de véhi­cule ayant subi des trans­for­ma­tions notables est obli­ga­toi­re­ment sou­mis à une nou­velle récep­tion. Le pro­prié­taire du véhi­cule ou de l’élément de véhi­cule doit deman­der cette nou­velle récep­tion au pré­fet ».
La trans­for­ma­tion de l’énergie du véhi­cule est une trans­for­ma­tion notable. Afin de pré­ve­nir tout pro­blème, de sécu­ri­té, de nui­sance ou de confor­mi­té envi­ron­ne­men­tale liée à cette trans­for­ma­tion, le véhi­cule doit être pré­sen­té à la direc­tion régio­nale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE) afin d’être homo­lo­gué pour un usage sur route.


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